En France comme en Suisse, la mobilité partagée devient progressivement, depuis deux décennies, une alternative plébiscitée à la propriété individuelle d’un véhicule. Avec la prise de conscience des enjeux environnementaux, les contraintes pour circuler et stationner en ville, et une offre de transports publics qui va en s’améliorant, l’utilité de posséder une voiture est remise en question par beaucoup de citadins. Cela permet aux services d’autopartage d’avoir une place croissante dans les grandes villes.

Pourtant le système peine encore à s’inscrire durablement dans les pratiques de mobilité, comme l’a montré l’échec des voitures électriques Autolib’, en service pendant huit ans dans l’agglomération parisienne. L’offre, trop peu rentable, a été définitivement abandonnée en 2018. Pour être attirant, un système d’autopartage doit offrir un service de proximité, ce qui suppose un réseau de stations très dense, et la flexibilité, les utilisateurs étant sensibles aux facilités de réservation et à la disponibilité immédiate des véhicules. Dans le cas des locations dites « en trace directe », où l’usager n’a pas à restituer la voiture au point de départ, s’ajoute l’enjeu de la disponibilité de places dédiées pour se garer à la station d’arrivée.

Les constructeurs automobiles et les opérateurs d’autopartage, conscients de la demande exigeante des usagers et de l’importance de la mobilité partagée, cherchent des solutions optimales permettant un service efficace et rentable. C’est en partenariat avec plusieurs de ces entreprises de transport que Martin Repoux a mené sa thèse au sein du Laboratoire de systèmes de transports urbains de l’EPFL. « Ma thèse s’est construite autour de deux grands projets, tous les deux des systèmes de transport à la demande en mobilité partagée, très reliés à des industriels qui cherchent à attirer les usagers et pérenniser ce genre de systèmes », explique le jeune diplômé qui a effectué sa présentation publique le 11 février.

Simuler et prévoir la demande en avance

Une part importante de son travail s’est concentrée sur la ville de Grenoble, où il a été sollicité par un opérateur d’autopartage qui cherchait à augmenter le nombre d’usagers réguliers de son système. « Nous voulions voir ce qui pouvait être fait avec leur manière spécifique de fonctionner, comme le fait de réserver à la fois le point de départ et la destination du véhicule. L’idée était de prendre les informations historiques des locations pour pouvoir prédire la position des véhicules et où il était nécessaire de les déplacer, de manière proactive plutôt que réactive – ce qui se fait habituellement. »

En connaissant les données historiques, je peux créer un diagramme des possibles sur les futurs états d’une station

Martin Repoux

L’objectif : assurer une disponibilité continue des véhicules et des places de parc afin de satisfaire au mieux la demande des clients. Martin Repoux a mis en place une représentation dite « markovienne » de l’état des stations : « En connaissant les données historiques, je peux créer un diagramme des possibles sur les futurs états d’une station, en termes de nombre de places de parc et de véhicules disponibles. J’essaie ensuite d’identifier la probabilité d’être dans des états problématiques, où une demande ne peut pas être satisfaite. On a testé les hypothèses sur le terrain et en simulation pour montrer le taux d’amélioration du service, et voir si ça vaut le coup d’installer ce type de politique de redistribution, ou si on reste limités par l’aspect aléatoire de la demande. » Il a utilisé pour ses recherches un simulateur développé pendant son master en Génie civil à l’EPFL, qu’il a retravaillé et raffiné pour pouvoir comparer les politiques de redistribution entre elles.

Les modèles algorithmiques d’optimisation de la redistribution montrent qu’avec un tarif de location approprié, une entreprise d’autopartage peut augmenter ses revenus, même avec un salarié s’occupant de changer les véhicules de place de manière proactive. Dans le meilleur des cas, 30% des demandes non servies avec une politique de redistribution seulement réactive obtiennent une réponse positive avec la politique proactive proposée. « L’idéal serait de connaitre en avance toutes les informations sur la demande, ce qui est impossible. Et comme on ne peut pas réagir immédiatement à une demande en téléportant les véhicules, on ne peut pas atteindre les 100% », constate avec humour le jeune ingénieur.

Cabines autonomes

Dans la seconde partie de sa thèse, Martin Repoux développe l’idée d’un système novateur de transports en commun, le « Multi-Layered Personal Transit System ». Il permet aux usagers de voyager à bord de cabines autonomes (sans conducteur) de leur origine à leur destination, sans jamais avoir besoin de changer de véhicule. Les cabines forment des convois menés par des véhicules conduits par des employés du système de transport. « C’est un peu comme un train urbain sur la route, où les wagons peuvent se détacher dans des stations dédiées et rattacher une autre locomotive conduite par un chauffeur », explique Martin Repoux. 

L’avantage de ce système, similaire aux taxi-robots ULTra de l’aéroport de Londres Heathrow, est qu’il est déjà applicable aux règles de circulation des villes, pas encore adaptées aux véhicules sans chauffeur. Seules les stations dédiées nécessitent des infrastructures et mesures de sécurité adaptées au déplacement des cabines autonomes. Une manière originale, comme l’autopartage, d’améliorer l’offre de transports en commun en ville et de diminuer l’usage des véhicules, sans pour autant modifier complètement les infrastructures urbaines.

Crédit: Article adapté d’une publication originale sur le site de l’EPFL, les textes, les images et les vidéos sont sous licence CC BY-SA 4.0

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